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Un instant de poésie. Un instant de contemplation. Un instant d'apaisement au milieu du tumulte.


Au moment même où j’écris cet article, je suis quelque part au-dessus du Maroc, dans un Boeing 737 qui vole à 800 kilomètres heure. Dans trente minutes j’atterrirai à Marrakech.

Depuis mon hublot, je vois des terres vallonnées, teintées d’ocre, de vert et de sable. C’est quasiment désert. Au loin se dessinent les montagnes où les premières neiges sont tombées depuis déjà presque trois mois. Il n’y a pas un nuage à l’horizon. Seule une légère brume rend ce spectacle délicat, presque cotonneux.

Une musique douce dans les oreilles, mon ordinateur sur les genoux, je réponds au sourire de l’hôtesse.

Mon regard parcourt la chaîne des montagnes. J’aperçois un lac juste sous l’aile de l’avion. C’est magnifique.

Je sens une douce chaleur envahir mon ventre et ma poitrine. Les battements de mon cœur s’accélèrent légèrement. Je souris. Et je me dis que ça ressemble à ça le bonheur.

Un tout petit moment de rien du tout.

Quelques minutes de douceur suspendues au milieu du ciel.

Un instant de poésie.

Un instant de contemplation.

Un instant d’apaisement au milieu du tumulte.

Je sais qu’au moment l’avion posera ses roues sur la piste épuisée de soleil, je retrouverai l’agitation, les passagers qui se bousculent pour sortir, l’effervescence de la ville, les notifications sur mon téléphone, les rendez-vous, le temps qui courre, les problèmes à régler, les journées de travail intense et la fatigue qui va avec.

Je retire mes écouteurs. Le co-pilote nous informe que nous nous apprêtons à démarrer notre descente. Il a la voix douce. Une de ces voix qui apaisent et qui font sourire. Il nous invite à profiter de ces quelques minutes qu’il nous reste pour nous relaxer. J’aime qu’il nous dise cela. Que chacun des passagers profite de l’instant présent. C’est vrai qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à faire dans cet avion. Autant en profiter.


L’espace d’un instant je me demande ce que veut dire profiter. Sans doute que cette notion est différente pour chacun d’entre nous. Pour certains c’est passer du temps avec sa famille et ses amis. Pour d’autres c’est faire du shopping, ou un massage, ou regarder un bon film, ou faire du sport, ou une activité particulière. Pour d’autres c’est ne rien faire.


Pour moi c’est profiter de l’instant présent.

Facile à dire.

Moins à faire.


Alors je ferme les yeux.

Je monte très légèrement le son de la musique.

Et je me plonge à l’intérieur de moi-même.

Je cherche à ressentir tout ce qui me fait du bien.

Pour en profiter.

Profiter de la vie, de l’instant présent.

Dans cet avion ou ailleurs…


Ecouter une chanson qui me donne la chair de poule, sans bien savoir pourquoi, sans même comprendre les paroles.

Laisser chaque note, chaque coup de batterie, chaque mot me pénétrer jusqu’aux os.

Me laisser happer par le parfum d’un inconnu et le suivre juste quelques secondes pour m’en remplir.

Me replonger dans les photos de l’été dernier. Ressentir le souffle du soleil sur ma peau. Celui du vent et des embruns.

Penser que ce soir je retrouverai le rire de mes filles. Me dire qu’elles grandissent, que j’en suis fière, même si j’aimerais qu’elles restent à tout jamais mes toutes petites filles.

Respirer bien fort pour tenter de retenir quelques larmes en regardant un film. Ne pas y arriver. Pleurer un peu quand même.

Monter le son de la musique et danser seule au milieu du salon, de cette façon qu’ont ceux qui ont la certitude que personne ne peut les voir.

Relire pour la centième fois « L’amoureuse », de Paul Eluard. Me demander pour la centième fois également comment on peut arriver à écrire quelque chose d’aussi beau.

Recevoir un message de remerciement. Pour mon travail. Pour un conseil. Pour la soirée d’hier. Ou simplement pour avoir été là.

M’allonger quelques minutes au soleil après déjeuner. Fermer les yeux. Réaliser que je me suis endormie au moment où je me réveille.

Ecouter ma meilleure amie me raconter sa vie. Lui raconter la mienne. Sans filtre. Sans jugement. Et se dire qu’on a de la chance d’avoir quelqu’un avec qui pouvoir faire ça.

Partir marcher seule au petit matin. Quitter la maison qui dort encore. Croire qu’à ce moment précis le monde m’appartient.

Me dire que la vie est bien faite. Quand ça va bien. Et aussi quand ça va mal. Parce que c’est vrai, et parce que tout ce qui nous arrive doit avoir un sens.

Sourire à cette vieille femme voilée assise près de moi au-dessus des nuages. Parce qu’elle a peur des turbulences. L’aider à débloquer sa ceinture, à l’attacher, et la voir sourire derrière sa peur.

Préparer des crêpes pour le petit déjeuner et sentir l’odeur envahir doucement la maison.

Me blottir sous un plaid tout doux avec un thé brûlant.

Lire quelques pages en mangeant un carré de chocolat.

Décider sur un coup de tête d’aller déjeuner avec une amie qui en a besoin.

Marcher pieds-nus dans le sable. Sentir mes pieds s’enfoncer dans les grains brûlants.

Me plonger dans un nouveau livre. Me laisser happer par l’intrigue. Ne plus pouvoir m’arrêter.

Décider de tester cette recette de dessert trouvée sur internet. Passer deux heures à la préparer. Observer avec le cœur qui bat la réaction de chaque invité. Sourire en voyant que ça leur plait.

Me glisser dans les draps frais qui sentent encore la lessive.

Serrer mes filles dans mes bras et leur murmurer à l’oreille que, quoi qu’il arrive, je les aimerai toujours.

M’asseoir sur un banc abandonné au milieu de la foule et observer les gens autour de moi. Imaginer leur vie. Ressentir leurs émotions.

Revenir d’une séance de course à pied avec les muscles des cuisses qui tirent et les joues rouges.

Passer une journée à écrire, l’ordinateur sur les genoux, le chat qui ronronne pas loin, le carnet de notes plein de gribouillis. En ressortir épuisée. Et en rêver toute la nuit.

Conduire sous un ciel en feu en écoutant Antony & the Johnsons. Monter le volume. Admirer l’éclat des nuages. Avoir la sensation d’être dans un autre monde.

S’arrêter devant un champ de coquelicots. Contempler la vague rouge rouler sous le vent tiède.

Fermer les yeux et laisser les doigts courir sur le clavier de l’ordinateur pour dire tout ce qu’il y a à l’intérieur. Relire et s’étonner du fait que l’écriture intuitive soit souvent si juste.

Passer la journée à rencontrer mes lecteurs lors d’un salon du livre ou d’une séance dédicace. Y croiser des personnalités incroyables. Faire des rencontres magnifiques. Avoir cette sensation unique de pouvoir, pour une fois, avoir accès au cœur des gens.

Ecouter pour la cinquantième fois cette même chanson en dansant au milieu du salon. Savoir que cette musique sera à jamais gravée de ce souvenir. Savoir que ce moment est parfait. Et qu’il le sera toujours.

Ouvrir les yeux après ces quelques minutes de plongée au creux mes ressentis les plus profonds. Me souvenir que je suis dans un avion, regarder à nouveau par la fenêtre et me dire que j’ai de la chance d’être là, que j’ai de la chance d’être en vie.

Ressortir de cet avion avec la certitude d’être au bon endroit. Au bon moment.

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